Troubles du comportement : phobie, toc et addiction

En dehors, de processus « normaux », plus ou moins subi ou choisi comme l’apprentissage, les ajustements comportementaux issues d’une relation familiale, amoureuse ou amicale, de la pression sociale (politesse, lois, normes, mimétisme…) le comportement normal d’un être humain peut être affecté de deux manières :

– soit par un trouble biologique (lésion neurale, perte temporaire ou durable de la fonction d’un organe ou d’un membre…),

– soit par une affectation psychique.

Sur le plan psychique, qui nous intéresse ici, les principales sources psychologiques qui affectent le comportement sont d’abord ou bien exogènes ou bien endogène. Les facteurs endogènes relèvent de problématiques développementales (génétique, éducatives, expérientielles, sociales) se déroulant sur le long terme, tandis les facteurs exogènes relèvent d’évènements extérieurs vecteurs de stimulations fortement mobilisatrices dans l’immédiat ou le court terme, autrement dit de situations de stress dont peuvent découler l’anxiété et les psychotraumatismes (ces deux dernier point pouvant entrer en résonnance l’un avec l’autre). Face à ces sources de désorganisation psychiques, les individus peuvent être conduit à des aménagements défensifs, eux mêmes « pathologiques » tels que les phobies, les TOC ou les addictions.

Les phobies

Portrait :

Le mot grec « phobos » veut dire peur. Mais la phobie n’est pas une peur ordinaire. La peur sert généralement à nous avertir d’un danger. Il y a donc à l’origine une situation extérieure objective qui déclenche une réaction proportionnée, cohérente et en rapport avec la dite situation. Dans le cas d’une phobie la réaction n’est ni proportionnée, ni reliée à une situation objective de danger. En effet le plus souvent les réactions phobiques sont démesurées par rapport à l’objet de la phobie.

Un autre aspect de la phobie est la fixation. En général, ces réactions disproportionnés sont liés à un objet en particulier et aucun autre. Les personnes qui souffrent de phobie reconnaissent elles même le caractère irrationnel de leur réaction et de leur fixation.

On distingue deux catégories de phobies :

  • Les phobies simples ou spécifique où les symptômes sont provoqué par un objet extérieur : souris, araignées, serpent, avions, le sang, le vomi…
  • La phobie sociale c’est à dire la peur d’accomplir certaines actions en présence d’autres personnes ou d’interagir avec les autres. L’éreutophobie (peur de rougir en public) par exemple est une phobie sociale. La phobie sociale est un trouble chronique invalidant. Les gens qui en sont atteint tendent à éviter la plupart des situations sociales. Elle cause une intense détresse et peut conduire à une dépression. L’agoraphobie, correspond à la peur des grands espaces ou des foules, mais aussi à la peur de rester coincer quelque part (claustrophobie) ou d’être loin de chez soi.

La phobie est reconnue comme l’un des troubles psychologique le plus répandu. Selon les sources, elle toucherait un quart de la population.

Les aspect comportementaux

Anticipation : sans même être exposé à l’objet ou à la situation phobogène les personnes anticipent par avance toute potentielles rencontre avec eux dans le but de les éviter.

Évitement : Les personnes phobiques évitent en générale l’objet et les situations phobogènes et tout ce qui de près ou de loin s’y rapporte.

Sensibilisation à l’idée de l’objet : La simple évocation verbale de l’objet, ou de l’idée de l’objet déclenche aussitôt de l’inquiétude chez les personnes voir de l’anxiété. Cette hypersensibilisation peut alimenter une rumination qui participe à fixer la relation entre la peur et l’objet

Déni partiel  : Chez les personnes phobiques il y a une occultation systématique des aspects positifs de l’objet phobogène, tous les attributs bénéfiques dont elles pourraient profiter sont déniés. L’objet, ici, n’est pas seulement porteur de peur, mais il est, en général, investit d’une valeur négative absolue, comme s’il supportait à lui seul tous les maux du monde.

Projections fantasmatiques : Il arrive que les personnes phobiques attribuent à l’objet phobogène un pouvoir qu’il n’a pas, plus grand qu’il n’est et des attributs qu’il n’a pas. À l’analyse, on s’aperçoit que les personnes phobique ont une représentation biaisée de l’objet dont elles ont peur. Les raisonnements qu’elles tiennent pour justifier leur phobie, pour la rationaliser sont eux même biaisés. Il apparait souvent à l’examen que les personnes phobiques projettent des scénarios fantasmatiques.

Rituels : Quand les personnes phobiques n’entrent pas dans des processus d’évitement physiques ou symboliques elles peuvent accomplir des rituels censée les protéger d’une rencontre avec l’objet

Transfert : Quand les personnes phobiques ne cherchent pas à fuir l’objet phobogène, elles investissent un objet particulier qui joue un rôle protecteur. On parle alors d’objet contraphobique.

Organisation : La phobie tend peu à peu à organiser la vie de la personne. Certaines actions, voyages, activités seront empêchées ou réalisées en fonctions de la rencontre possible avec l’objet ou la situation dont ils ont peur.

Centralité : La phobie tend à devenir la préoccupation principale de la personne et par devenir le centre de ses pensées à l’exclusion des autres.

Impuissance : Face à un danger, la peur est censée préparer l’organisme à tout un éventail d’actions correctives, dont l’attaque ou du moins des contre-mesures pour modifier la situation ou neutraliser l’objet. Chez les personnes phobiques, ces stratégies sont absente et c’est comme si elles se trouvaient comme condamnées à l’impuissance. La peur les paralyse. C’est ce qui contribue au maintien et à la fixation du trouble.

Phobie et traumas

Il arrive qu’on contracte une phobie ou qu’une phobie apparaissent à la suite d’un évènement traumatique. Un certain nombre de symptômes sont d’ailleurs partagés par les phobies et par les psychotraumatismes.

Dans les deux cas, il y a une tendance à l’évitement, une hypersensibilisation à l’objet, une peur excessive, une charge symbolique forte qui ramifie dans tout un réseau sémantique très profond.

Ce qui les distingue n’est pas tant la forme du symptôme que l’origine. Les traumatismes psychiques sont liés à un évènement bien précis tandis que les phobies ont une formation vague qu’on ne parvient pas à rattacher à un souvenir bien identifié. L’ambiguïté est d’autant plus renforcée qu’un trouble psychotraumatique peut évoluer en phobie, et qu’une phobie, notamment lors de crise forte peut causer des traumas psychiques. 

Phobie et sens

La phobie n’est pas juste une peur excessive pour un objet parfois anecdotique. L’objet phobogène a par nature une relative puissance aversive, ou du moins des attributs objectivement négatifs.

Parfois ce n’est pas du tout le cas. Mais c’est souvent un objet qui appartient au quotidien. Pour que le comportement phobique se constitue, il faut qu’il y ait une durée d’exposition suffisante et donc une fréquence d’exposition suffisante.

La problématique phobique est construite de telle manière qu’elle engendre une gène assez invalidante pour la personne qui la vit, de sorte que l’objet est en général un objet dont la fréquentation est forte et qui se trouve à proximité ou relié à des éléments biographiques particuliers de la personne phobique. 

Les phobies racontent beaucoup de choses sur les personnes qui en souffrent. Elles ont un sens, voir même une fonction bien particulière. Tous le monde n’a pas les mêmes phobies, quand bien même certaines personnes partagent un même objet phobique. C’est un trouble qui est relié à des éléments biographiques bien particuliers de la personne et qui recouvrent un sens profond pour elle. Si un travail de reconditionnement psychique, de désensibilisation est souhaitable et efficace, il ne faut pas manquer néanmoins l’occasion d’élucider le sens profond et la fonction que ce trouble remplit dans la vie de la personne afin que le mécanisme phobique ne se réitère pas sur un autre objet.

Par exemple dans quelle mesure ce qui est craint est il souhaité? Quelle est la part du désir dans cette peur? Quel fantasme s’y dissimule? Quelles identifications cachées existe-t-il avec l’objet phobique? Quel bénéfice implicite procure le trouble? Quels sont les investissements érotiques ou thanatiques  qui l’animent? Quel est la dimension métaphorique de l’objet de la peur? En quoi cette phobie renvoie à la relation parent/enfant et à une confusion des rôles?

Ces questions parmi d’autres peuvent être des axes pour comprendre les déterminants à l’origine de ce comportement et pour le transformer en comportement créatif, productif, utile, valorisant pour la personne.

TOC

Description

Le terme TOC est un acronyme qui désigne en français les Troubles Obsessionnels Compulsifs.

Les TOC sont généralement la traduction comportementale d’une décompensation de la personnalité obsessionnelle. C’est un trouble du comportement qui se caractérise chez la personne qui en est touché par la répétition d’actes compulsifs particuliers, des obsessions idéatives et de l’anxiété.

Obsessions

Une obsession est une idée envahissante qui se répète à l’esprit de façon automatique a une fréquence anormalement élevée sur une longue période de temps. Elle laisse peu de place aux autres pensées et tend à appauvrir la vie psychique. Les obsessions ne sont généralement pas isolées et fonctionnent en réseau. Il y en a généralement plusieurs qui se répondent comme en écho, les unes aux autres, de sorte qu’elles forment un ensemble relativement cohérent et congruent. Elle est constituée d’une chaine solide de pensées qui renvoient les unes autres dans un circuit fermé.

Elles sont cyclique et s’inscrivent généralement dans un flux de pensées assez rapide. Elles se présentent à la pensée comme une suite d’images mentales accompagnées de sentiments, de sensations, d’émotions plus ou moins vives et de raisonnement. Ces images, émotions, pensées, s’imposent d’elles mêmes à l’esprit et servent à véhiculer toujours une même idée qui sert ici de noyau centrale autour duquel elles gravitent. Ici le sujet ne parvient pas ou difficilement à écarter ces pensées de lui, « c’est plus fort que lui ».

Selon les cas les obsessions peuvent être plus ou moins flexibles et variées. Leur rigidité (psycho-rigidité), traduit leur niveau d’intériorisation  ou leur « gravité ». Cette rigidité se manifeste par une forte résistance au changement. Cette résistance se traduit par un regain d’anxiété, de l’agressivité parfois (en réaction à cette anxiété) et par un renforcement des pensées obsessives et des actes compulsifs.

Ruminations

Les gens sujets aux TOC sont généralement sujets à des ruminations. Les ruminations sont des discours fait à soi même mentalement ou à voix haute. Il arrive assez fréquemment que les gens ayant des TOC « parlent tous seuls » (c’est d’ailleurs une assez bonne chose pour évacuer l’obsession…). Mais en réalité ils ne parlent pas tout seul, ils s’adressent à une assistance imaginaire, un interlocuteur vaguement identifié, ou des personnes réelles proches ou non, mortes ou vivantes. Il s’agit très souvent d’un dialogue explicitement ou implicitement. L’autre ici existe dans son altérité. On s’adresse à sa représentation, elle, bien distincte de soi.

Ces comportements font partie des actes compulsifs, ils peuvent avoir pour effet l’apaisement des tensions, l’abaissement du stress, la réassurance, l’étayage et le renforcement du moi. Il s’agit donc d’un mécanisme de défense assez sain en somme, ou d’une solution thérapeutique auto-prescrite. 

Cela étant ces ruminations ont aussi un effet indésirable qui est de consolider les obsessions et de les rigidifier. En effet, à force de répétitions, c’est comme si le sujet apprenait par cœur ce qui l’obsédait… Il y a fixation du contenu obsédant.

Compulsion, Automatismes et Rituels :

Les personnes atteintes de TOC peuvent être sujette à des actions compulsives. Ces actes s’accomplissent dans une semie-conscience de façon plus ou moins automatisée. C’est automatiquement que le sujet va accomplir ses routines de vérifications par exemple. Un automatisme est souvent le fruit d’un apprentissage latent, c’est à dire un conditionnement. À retenir que, l’acte compulsif peut être un geste, dont l’acte de parole, ou une pensée ou une chaîne de pensée particulière. On parle alors de compulsion mentale.

Ici dans quelle mesure ce qui est compulsif n’est pas le fruit d’un apprentissage, pourquoi, et comment? Quel apprentissage inconscient ou implicite s’est réalisé et pour quelle raison? Les TOC renvoient également à des schémas mentaux complexe où dominent l’évitement, le scrupule, un sentiment de culpabilité, une dimension aversive.

Si la notion de compulsion suppose un désir irrépressible de faire ( ou dire ou penser…) quelque chose, si la redondance d’un acte peut traduire un automatisme, il existe également parmi les différentes formes de répétitions, les rituels. Les rituels sont des comportements qui ont pour fonctions de calmer l’anxiété. Les rituels ont cette vertu de combiner une mise en ordre des éléments et une mise en sens. Ils ont une force symbolique très marquée qui correspond à la forte demande de structure et de sens de la personne. Ils ont un but. À travers le rituel, s’exprime la menace que tout s’effondre. C’est une crainte que porte en eux les obsessionnels.

Il y a également dans les TOC, à travers l’acte compulsif l’expression d’un mode de plaisir centré sur la réalisation d’un acte.

Ce n’est pas que les personnes souffrent de réaliser le geste compulsif en lui-même au contraire, mais du jugement qu’elles portent sur lui après coup, des scrupules. Il y a, comme dans l’addiction, un réel plaisir dans l’acte lui-même. Mais l’acte n’a pas du tout la même valeur. Au lieu de compenser un manque, de façon auto-destructrice parfois, les personne souffrant de TOC investissent érotiquement le fonctionnement en lui-même, l’animation des choses elles-même.

Les personnes éprouvent un réel plaisir à agir sur l’environnement et à faire marcher les choses. Il y a un désir « machinique » qui s’exprime dans la répétition de ces gestes. C’est un investissement très positif à l’origine, mais il se retourne contre la personne précisément parce qu’au lieu de tirer une meilleur estime de soi, elle se juge, s’interdit, se bloque inconsciemment, et se condamne. Ce sont les scrupules, le jugement d’elle-même qui la font la plus souffrir. On pourrait alors parler de « plaisir coupable » tant la culpabilité, jusqu’à l’empêchement de vivre entoure la répétition des gestes et des pensées. Ici le faire, ou le plaisir machinique, est source de scrupules, de honte, d’angoisse, car au fond c’est un plaisir pour soi qui souvent entre en conflit avec des valeurs sociales restrictives promues par des personnes aimées, dont notamment les parents. C’est à défaut d’une théorie explicative, une tendance que l’on observe souvent dans ces cas.

Il existe un certain nombre de troubles obsessionnels spécifique basé sur des actes, Syllogomanie (accumulation), Trichotilloanie, Trichophagie, Oncyomanie, Kleptomanie, dermatillomanie (grattage compulsif), oniomanie (achat compulsif).

Toute ces choses ont en commun l’obsession de contrôler un flux, ou une cycle  qui échappe par nature à tout contrôle.

Qu’il s’agisse d’éteindre le robinet (flux d’eau), la lumière (l’électricité), le gaz, le flux de production de marchandise et le flux d’argent, (syllogomanie, oniomanie, kleptomanie) ou bien les flux biologique ( trichotillomanie, trichotillophagie (flux de cheveux), oncyomanie (flux d’ongle) dermatillomanie (flux de peau).

Un autre point à noter c’est la place de l’ambiguïté. Cela est directement lié aux flux. Un objet ambiguë (tous le sont en réalité) se caractérise par une fluidité sémantique et ontologique. Les obscessionels supportent mal l’ambiguité précisément parce qu’ils n’ont pas de prise sur des objets dont la nature ou le sens est incertain. Cela renvoie aux pulsions qui traduisent nos relations avec les flux physiques et symbolique. Chez les obsessionnels c’est comme si les pulsions se trouvaient condamnées, comme si vivre était une faute : d’où chez eux le doute, l’ambiguïté ontologique, entre être vivant (flux des pulsions) ou mort (arrêt du flux des pulsion). 

Dans tous les cas ces actions répétées loin d’être délibérées, suscitent une intense culpabilité, de la honte, des scrupules et des regrets qui se retournent contre la personne obsessionnelle.

La contrainte / le contrôle :

La problématique obsessionnelle est centrée sur la notion de contrôle. Il ne s’agit pas tellement de pouvoir en soi, au sens d’une domination des autres et de l’environnement, mais plutôt d’une domination qui se retourne contre soi. Ici le contrôle est surtout le contrôle de soi, il s’agit de plutôt de juguler une  certaine certaine anxiété liée aux scrupules, et activité par un désir certain d’être aimé d’une autorité idéalisée.

La lutte

Le tableau des TOC est souvent dominé par une lutte intériorisée entre des forces contradictoires. C’est le cas notamment des phobies d’impulsions. Angoisse de se suicider, angoisse de se mettre à attaquer l’autre, ou à devenir fou. Les personnes souffrant de phobie d’impulsion sont le théâtre d’une lutte intérieure intense entre des pulsions contradictoires qu’elles tentent de contrôler. Cette lutte intérieure se traduit pas une excessive politesse, une tendance à l’introversion, à l’hyper-rationalisation. Cela aboutit à une tendance explosive dans la gestion des émotions de ces personnes, tant dans la colère que dans la tristesse ou la joie. Elles craquent. La fatigue et l’épuisement sont également la conséquence de cette lutte interne.

Les thématiques

On relève dans les troubles obsessionnels la récurrence de certaines thématiques comme des idéation sur :

  • Une sexualité trangressive et ritualisée
  • La mort, la putréfaction, le pourrie, les selles
  • La propreté et l’hygiène
  • La crainte des maladies
  • L’argent, les possessions, les propriétés
  • La religion, la mystique, la politique et les idéaux en général
  • Une culpabilité excessive pour toute sorte de raisons
  • Des scénarios catastrophiques et apocalyptique
  • Un discours sur la justice, la loi, les règles

Les addictions

addictions vs phobie

L’addiction est un comportement dominé par une recherche hédonique absolue, une recherche de plaisir qui se répète et qui est marqué par un certain désespoir. Comme pour la phobie, ou même les toc, c’est un comportement qui se répètent. Un autre point commun avec la phobie c’est le sens. L’objet ou l’activité investie par l’addiction est porteuse sur le plan symbolique d’un sens. Il vient signifier quelque chose pour la personne. Il s’inscrit dans sa biographie de façon plus ou moins cohérente.

Mais ce qui distingue la phobie de l’addiction c’est tout simplement qu’il s’agit, manifestement, d’un comportement inverse. Là où l’objet dans la phobie est porteur d’une valeur aversive, dans l’addiction l’objet au contraire est investit d’une valeur hédonique. Sur l’axe aversion/plaisir, ces deux comportements sont diamétralement opposés, et par conséquent d’une certaine façon reliés.

Les liens entre la phobie et l’addiction sont parfois étroit. Il se peut en effet qu’une personne qui éprouve une phobie pour quelque chose développe une addiction en compensation. Par exemple, une personne souffrant de phobie sociale, pourra, pour compenser, développer une addiction aux jeux et notamment aux jeux vidéos. Les jeux vidéos ici servent d’objet contra-phobique. Le joueur compulsif ici se socialise à travers le jeu, sans que sa phobie sociale soit mise en cause. Mais c’est à double tranchant, car, par ce moyen, au lieu de se libérer de sa phobie, il s’y maintient.

Dans les deux cas la phobie et l’addiction ont un effet aliénant. Elles dominent le comportement de la personne. Une addiction comme une phobie, envahie la vie de la personne, et la domine. Elle devient centrale dans sa vie et tend à appauvrir sa vie. Il n’y a plus que ça dans sa vie. 

Mais toutes les problématiques addictives ne sont pas systématiquement reliées à des phobies. Ce n’est bien souvent pas le cas. Généralement les addictions sont liés à des troubles de l’attachements et à des problématiques dites anaclitique ou de dépendance affective développé dans l’enfance. Les addictions traduisent bien souvent un manque affectif précoce et un déficit d’estime de soi très important. L’addiction vient bien souvent compenser ce manque. Elle a un effet d’étayage. Elle sert à rassurer.

Cependant c’est une stratégie faussement bonne puisqu’au lieu de libérer la personne de son problème, elle l’y maintien au contraire. Elle assure d’une certaine façon la pérennité du manque dans sa vie.  C’est un peu comme si la personne s’était attaché au manque plus qu’à la personne elle-même.

Enfin une dernière chose qui sépare la phobie de l’addiction, c’est la place du jeu social. Une phobie est une réaction individuelle singulière qui n’est l’effet d’aucune incitation de groupe, d’aucune incitation sociale. C’est la réponse unique de la personne. En revanche la plupart des addictions passent souvent par des mécanisme d’incitations de groupe et d’imitation sociale. Une addiction est bien souvent un comportement appris.

objets/comportements dans l’addiction :

Les addiction avec substances :

  • tabaco-dépendance
  • allocoldépendance
  • toxicomanie
  • etc

Les addictions comportementale sans substances

  • jeu d’argent
  • jeux vidéos
  • travail
  • relations amoureuses
  • activité de loisir
  • relations sociales

Une addiction spécifique : Les troubles du comportement alimentaire

Les Troubles du Comportement Alimentaire (TCA), se caractérisent par l’hyperphagie, la boulimie ou l’anorexie. L’anorexie relève d’avantage de problématiques obsessionnelles (bloquer le flux de nourriture), même si dans la privation de nourriture les gens peuvent parfois éprouver un grand plaisir, pas tant dans la maîtrise de leurs processus de faim et d’alimentation que dans la sensation qui en résulte et que les pratiques de jeûne religieuse visent. Sauf qu’à l’inverse de l’anorexie, les pratiques de jeûne religieuse sont encadrées, limitées et soumises à un but spirituel. Les anorexiques n’ont aucun cadre et aucune limite, tout comme les boulimiques, du moins un cadre déformé, désorganisé. Les personnes anorexiques ne visent pas d’amélioration spirituelle, ni de mise à l’épreuve d’elles-même, mais sont soumise à une passion aliénante pour elle-même qui révèlent souvent une certaine vacuité ontologique, un manque à être. Ce jeu mortel avec la faim et l’alimentation traduit une intense faille narcissique où le soi de la personne est pris pour objet de lui-même. Cette addiction au manque est bien souvent une revendication de pouvoir, non seulement sur soi mais à travers soi, sur les autres. Cette démarche n’est pas exempte d’une certaine perversité ( perversus : renversement ou inversion) même parfois, bien que le fonctionnement pervers ne soit pas caractérisé chez la personne. De par sa complexité même, c’est un des troubles les plus difficiles à désactiver, car la personne qui souffre d’anorexie est souvent dans le déni et refuse bien souvent de collaborer avec les personnes qui veulent les aider. Dans la mesure où c’est une démarche manifestement suicidaire dans les cas les plus durs (perte de poids importantes et complications médicales), il n’y a bien souvent pas d’autres alternatives que l’internement et les soins forcés pour préserver la vie de la personne anorexique et son entourage (non sans risque d’ailleurs d’abus médicaux).

La boulimie et l’hyperphagie en revanche est une forme d’addiction plus claire où l’objet addictogène est la nourriture. C’est un trouble du comportement assez difficile à résoudre car l’abstinence pour l’objet n’est pas envisageable (contrairement à l’alcool ou au tabac). Il s’agit d’une problématique de régulation plutôt que d’une problématique jouant sur la privation. Les personnes hyperphagiques ou boulimiques sont souvent sujettes à des impulsions. Elles mangent sans faim, dans un état qu’on dit crépusculaire, c’est à dire dans une demie conscience. Elles n’ont pas forcément conscience de se remplir de cette façon. Le terme de remplissage est d’ailleurs plus approprié, car la nourriture n’est pas ici investie de valeur et l’acte en lui-même n’est pas un acte d’alimentation. La fonction d’apport énergétique pour le fonctionnement du corps est dénié. Le rapport au corps même est absent ou déformé. Les sujets hyperphagique ou boulimique ont d’ailleurs une représentations d’eux-même déformés. Ces personnes sont souvent sujette à de la dysmorphophobie (comme les anorexiques d’ailleurs). 

Les personnes souffrant d’hyperphagie et de boulimie ont une représentations déformée de la nourriture. Leur prise de nourriture est souvent destructurée et elles absorbent des aliments en dépit du bon sens. Elles attribuent souvent des valeurs émotionnelles ou conceptuelles idiosyncrasique aux aliments. Cette destructuration de la représentation des aliments et de soi va de pair avec l’alexithymie dont souffre souvent ces personnes. L’alexithymie est l’incapacité ou la difficulté à pouvoir verbaliser ses émotions et ses sentiments. Cette impossibilité à dire (oralité) est particulièrement prégnante dans ces problématiques puisque l’oralité y est centrale. On peut y voir une stratégie inconsciente de se remplir la bouche d’aliment pour que n’en sorte aucun mot.

Lors des crises la prise de nourriture est rapide et importante jusqu’à aboutir à une souffrance qui cause le vomissement, quand ces personnes ne le provoquent pas elles-même. La prise de nourriture ne s’accompagne pas de plaisir pour les personnes boulimiques ou hyperphagique.

On peut envisager ces crises comme une forme d’automutilation, tant la souffrance plus que le plaisir y est centrale. Si le passage à l’acte soulage sur l’instant, cela tourne vite au dégout, pour la nourriture et pour soi-même. En effet dans l’après-coup les personnes, selon le niveau de conscience dans lequel elles sont passé à l’acte, éprouvent de la honte, du dégout de soi, un malaise qui enclenche la prochaine crise. C’est un cercle vicieux.

Ces troubles comportementaux, hyperphagie ou boulimie, ont bien souvent une allure défensive sur le plan psychique. Ce peut être une stratégie de copying ou d’adaptation. On retrouve souvent derrière ces problématiques des psychotraumatismes : viols, abus sexuels, maltraitance physique ou psychique, harcèlement, etc, sans que ce soit non plus systématique. Lorsqu’il y a surpoids, le corps gros, fait souvent barrage, comme une armure de chair pour décourager tout éventuel agresseur. C’est un moyen de se dissimuler. Cela n’est bien entendu pas systématique. Le surpoids, peut dans certains cas être aussi le signe d’une défense contre une emprise parentale, maternelle notamment, trop forte sur le plan psychique. Ce peut être un moyen de réaffirmer sa souveraineté sur son corps, mais cette défense là, ne suppose pas toujours l’hyperphagie pathologique ou la boulimie. 

Il est à noter toutefois, lorsqu’on considère ces problématiques que toute les personnes ayant une certaine surcharge pondérale ne sont pas sujettes à de l’hyperphagie ou de la boulimie. La surcharge pondérale n’est pas le signe premier. C’est d’abord le comportement qui est en cause, bien plus que la morphologie de la personne.

Quelque soi les causes provoquant ces troubles, le sevrage ne peut s’opérer  dans un premier temps que par la prise de conscience du trouble, la sortie du déni. La verbalisation des angoisses, des émotions, des sentiments et des pensées est très importante, pour enrayer l’alexithymie. Un travail est ensuite à envisager sur la prise de conscience lors de la prise de nourriture, sur la représentation de la nourriture et de soi. Retrouver le plaisir de manger, suppose de reprendre conscience de ce que l’on mange, et des sensations proprioceptives et de la faim en jeu dans l’alimentation. Il est également à envisager de travailler sur le caractère sociale de la nourriture : des repas plus réguliers pris en compagnie de personnes que l’on aime peut constituer un objectif thérapeutique, à condition que l’on y échange pas seulement de la nourriture mais aussi des paroles et de l’affection. La préparation de la nourriture peut aussi être un enjeu important de l’évolution de la problématique car les personnes hyperphagique ou boulimique ont tendance à viser préférentiellement des aliments transformés de petite tailles, immédiatement et facilement absorbable. Se rendre capable de réguler ses impulsions est ici, comme dit plus haut l’enjeu essentiel et cela ne se peut qu’en traitant les représentations défaillantes que porte en elle la personne. La restauration de l’estime de soi est l’un des objectif visés.

Ces démarches thérapeutiques en jeu dans l’accompagnement des personnes souffrant de boulimie ou d’hyperphagie ne sont pas sans points communs avec le traitement d’autres problématiques addictives. Faire dire le manque, l’angoisse, les sentiments, exprimer le vide intérieur ressenti, soutenir l’estime de soi, forme le tronc commun de beaucoup de traitement d’addiction.

Phobie/TOC/addictions : les liens

Il apparait lorsqu’on considère ces trois sortes de comportements que sont les phobies, les TOC et les addictions des liens profonds qui permettent d’en déterminer les limites.

L’axe phobie/addiction peut se lire sur une ligne qui va du pôle de l’aversion extrême à la quête de plaisir désespéré. Dans les deux cas les deux troubles sont centraux dans la vie des personnes qui en souffrent et réorganisent leur vie, les privant ainsi de leur désir plein et de leur liberté.

L’axe phobie/TOC peut se lire sous l’angle de la répression de ses désirs et impulsion et sous l’empire d’une anxiété insupportable. Il s’agit de personnes empêchées où le cadre intérieur qui régulent les émotions et les impulsions est trop fort.

L’axe TOC/addiction se comprend aisément sous le prisme de la répétition qui signale une tendance à annuler, par la sériation, les contenus de pensée désagréables.

D’autres axes à analyser sont possibles et les trois que nous avons présentés peuvent se croiser. Ce qu’il faut retenir dans ces comportements, c’est une mécanique. Cette mécanique est polarisée entre deux principaux pôles : l’inhibition et l’impulsivité.

L’être humain se propose à lui-même des buts, ce qu’on appel aussi le désir. Nous sommes des être désirants et c’est une bonne chose. Mais pour chaque désir qui représente une certaine quantité de force s’exerce dans le psychisme la force inverse inhibitrice. Cette contre-force a pour fonction de préserver l’individu des conséquences des désirs qu’il éprouve. La première force, celle que manifeste le désir, mobilise d’abord les fonctions affectives et émotionnelles tandis que la seconde, l’inhibition, mobilise les capacités rationnelles de l’individu. La première force suppose le temps court et la deuxième force le temps long.

Quand la force d’inhibition est trop forte et que le désir se maintien cela génère de l’anxiété, c’est le cas des phobies, des TOC, de l’obsessionnalité. La rationalité de la personne réagit très fortement, et va sur-traiter et sur-réagir aux désirs émergeants. L’inhibition, un peu comme un mur, va bloquer l’expression du désir, qui en se retournant vers sa cible va générer un contre-coup émotionnel et affectif qu’on appel l’anxiété. Le processus d’inhibition va générer des pensées automatiques négatives qui vont empêcher la réalisation du désir, sans pour autant que celui-ci cesse.

En revanche, lorsque l’inhibition est trop faible cela se transforme en impulsivité ce qui peut conduire à des problématiques d’addiction. Le désir se réalise et comme rien ne l’arrête, ni n’est assez fort pour l’encadrer, il se trouve alors portée à la réitération, d’autant plus lorsque ce désir rencontre une substance qui se métabolise avec le fonctionnement neuro-psychologique de la personne. L’emprise alors se renforce. Il y a conditionnement.

Bien sur, ce sont là des modèles théoriques. Dans la réalité, les choses sont imbriquées, personne n’est ni tout à fait impulsif, ni tout à fait inhibé. Cela varie dans le temps et selon les contextes rencontrés. L’être humain a tendance à ajuster son style de réponse en fonction des situations qu’il rencontre. Mais généralement on rencontre plus souvent des comportements morbides, pénalisants, quand le fonctionnement est centré sur l’un des deux pôles, malgré la variation des contextes rencontrés. Quand au contraire le comportement d’une personne varie faiblement entre impulsivité et inhibition, le comportement est plus fluide et la réponse adaptative plus efficace. C’est que ce que l’on vise à atteindre au cours d’un suivi psychologique. 

Si nos comportements sont modifiables, l’objectif n’est pas de normaliser les comportements. L’objectif d’un suivi psychologique est d’atteindre un fonctionnement optimum et de réduire les styles de réponses qui coutent le plus à la personne. Il ne s’agit donc ni de s’interdire de tout désir et de tout plaisir, ni de suivre ses pulsions aveuglément, mais de comprendre et de renforcer sa capacité à choisir ce qui est vraiment bon pour soi.

Prendre rendez-vous en ligneDoctolib