Le psychisme peut « dysfonctionner » ou bien par nature, parce que sa formation le conduit à adopter une stratégie « dysfonctionnelle », ou « inadaptée » au contexte, ou bien il peut être impacté par un choc externe qui le bouleverse et le trouble mettant en cause ses capacités à permettre à la personne d’assurer sa sécurité, son bien-être et son épanouissement.
Les psychotraumatismes
Les psycho-traumatismes aussi appelés Trouble de Stress Post Traumatique ou Post Traumatic Stress Trouble Disorder, PTSTD, sont des phénomènes psychologiques qui surviennent après un évènement généralement violent et déstabilistabilisant pour le psychisme de la personne.
Ici la souffrance psychique, n’est pas due à une stratégie mal adaptée au contexte, à un trouble de la personnalité ou a une problématique interne au psychisme de la personne mais à un agent extérieure. Le trouble et la souffrance sont profondément liés à un évènement particulier.
Quatre sorte de condition peuvent être repérées, selon l’intensité et la durée de l’évènement violent, mais aussi selon la nature de l’évènement.
Durée et intensité :
- Le choc est soudain, intense, bref et ses conséquences sur le corps et la vie sociale de la personne sont importante voire irréversible ou difficilement réparable.
- Le choc ou la situation traumatique s’installe dans la durée, est insidieux, d’intensité variable, implique l’engagement de la victime, se répète et porte atteinte à son intégrité physique, sociale et morale.
Nature de l’évènement traumatique :
- Est il causé directement et délibérément par une personne? : agression physique, séquestration, hold-up, accident de la route, viol, harcèlement, torture, acte de barbarie, vol, cambriolage, guerres, échec personnel, erreur professionnelle… : Quelqu’un est à l’origine du traumatisme psychologique.
- Est il causé par un enchainement de causes diffuses hors de toute volonté humaine? : catastrophe naturelle (inondation, tempêtes, tornades), accident industriel, accident naval, échec, décès d’une personne par maladie… Quelque chose est à l’origine du traumatisme.
NB : Ces 4 conditions peuvent se croiser. Durée, intensité et nature peuvent se recouper ensemble.
Récurrences de certaines thématiques :
Les psycho-traumatismes font souvent références à la thématique de la perte, de l’insécurité, de l’atteinte corporelle, de la mort, perte de l’estime de soi, sentiment de culpabilité, sentiment d’impuissance, sentiment d’isolement, de méfiance et de doutes.
Distribution aléatoire
Les évènements traumatiques ne causent pas systématiquement des troubles psycho-traumatiques. Certaines personnes déclareront ces troubles, d’autres non. Cela dépend de la nature de l’évènement, du degré d’implication de la personne dans cet évènement, des éléments biographiques et des ressources psychiques et sociales disponibles de la personne. Les raisons pour lesquelles la personne souffre de PTSTD ont souvent à voir avec ses investissements personnels, c’est à dire le lien que l’évènement a vis à vis de la personnalité de la personne souffrante, de sa biographie et de ses croyances. Le psychotraumatisme dit des choses sur la personne. Il possède un sens profond pour elle.
Les symptômes :
- Les symptômes qui sont associés au PTSTD, postérieurement à un évènements perturbateur, sont :
- Anxiété et sentiment d’insécurité permanent, pouvant évoluer vers des troubles paniques.
- Sur-anticipation
- Evitement des objets, et des situations évocatrices de l’évènement traumatique
- Reviviscence fréquente des évènements traumatiques ( ruminations) en l’absence de signe évocateur : les personnes revivent l’évènement traumatique, même si rien ne leur évoque l’évènement
- Dépersonnalisation ou dissociation lors des reviviscences trop intenses
- Trouble de la mémoire, amnésie
- Hypersomnie ou insomnie
- Cauchemars
- Repli sur soi
- Isolement social
- Pleurs
- Déni
Ces signes doivent se répéter et s’inscrire dans le temps et être liés à un évènement traumatique. La difficulté ici est parfois de découvrir cet évènement car les symptômes peuvent survenir longtemps après et la personne peut avoir activé un mécanisme de déni et avoir « oublié » l’évènement. C’est un cas qui arrive souvent chez les victimes de viols. Suite à leurs agressions elles contractent une amnésie traumatique. Le cerveau spontanément occulte l’évènement pour protéger la personne. Mais ce mécanisme peut céder, laisser s’exprimer les symptômes précités avec d’autant plus de violence qu’ils ont été empêchés longtemps de s’exprimer. Le retour des images et des angoisses peut alors être massif. C’est pourquoi par précaution les autorités mobilisent des psychologues sur les lieux de grands drames pour prévenir les décompensations post-traumatique par la suite.
Comorbidités :
Les troubles psycho-traumatiques peuvent causer de la dépression, qui peut aller jusqu’au risque suicidaire, un isolement social, des ruptures affectives et professionnelles, des troubles du comportement alimentaires, troubles sexuels, des addictions ( tabagisme, alcoolodépendance, toxicomanie, addiction aux jeux, achats compulsif…), des phobies d’objet et des phobies sociales entre autres…
psychotraumatismes et dissonnances cognitives
Toutes les personnes naturellement ont une dissonance cognitive. Une dissonance cognitive consiste en un écart, entre ce que l’on croit, nos valeurs, nos croyances, et ce que l’on expérimente du réel, ou bien entre le degré d’exigence sociale (comprenant y compris les prescriptions liées à une tâche professionnelle ou non…) auquel on adhère et la réalité que l’on vit.
Plus cet écart est petit, plus la personne éprouve du bien-être, une bonne estime de soi, se sent compétente, digne d’amour, capable de se projeter dans la vie et de s’épanouir. Plus cet écart est élevé plus elle va se sentir mise en cause dans son estime de soi, son sentiment de compétence et de légitimité et devras mobiliser ses mécanismes de défenses pour rétablir un bien-être optimal.
Dans le cas d’un psychotraumatisme, l’évènement traumatique, comme expérience négative forte du réel élève la dissonance cognitive des personnes à des niveaux qu’ils ne peuvent parfois pas compenser et ils s’effondrent, ou bien adoptent des mécanismes de défenses dont les bénéfices secondaires peuvent se retourner contre eux.
Par exemple la conduite d’évitement liée à un évènement traumatique peut causer de l’isolement social. Par peur de rencontrer des situations évocatrices de la situation traumatisante, la personne peut se couper d’une part importante de ses liens sociaux voire renoncer à certains projets. Par la suite l’isolement social qui en résulte contribue à augmenter l’anxiété, le sentiment d’insécurité et la baisse d’estime de soi…
En général l’augmentation de l’écart de la dissonance cognitive suite à l’évènement traumatique met en jeu les valeurs, les investissements et les croyances fortement ancrées de la personne. Cela touche à ses motivations et à ses investissements affectifs. L’évènement traumatique, vient souvent porter préjudice à des investissements motivationnels et affectifs important de la personne. L’évènement vient atteindre des croyances, des idéaux et des valeurs, qu’il remet en causes et qui faisaient socle pour la personne.
La nature de l’évènement traumatique, vient toucher les points de vulnérabilité psychique de la personne, en dévalorisant ce qui chez elle donnait sens à sa vie, la renvoyant à une situation d’impasse inévitable. La manifestation de l’évènement traumatique renvoie la personne à des angoisses archaïques, où prédomine la privation du choix. À ce moment là, elle s’est trouvée prisonnière, impuissante et totalement vulnérable. L’idée de cette vulnérabilité renvoie parfois à des vécus traumatiques plus anciens, qui plongent parfois dans des situations angoissantes vécues lors de l’enfance. Ce peut être une association qui peut être faite par la personne.
Mais il se peut également que la personne pour diverses raisons, ne supporte pas l’idée de sa vulnérabilité, de son impuissance, de sa limite humaine face à la réalité, ou bien qu’elle n’admette pas l’idée que le réel soit chaotique, inconstant, disruptif, non-représentable, inconnu et inconnaissable en totalité… Quelqu’un qui a une forte demande de structure et de cognition, qui est attaché pour diverses raisons à une idée du monde qui soit consistante peut en effet ne pas supporter cette expérience témoignant de l’inverse : le chaos, l’impermanence, injustice, l’arbitraire font aussi parti du monde.
Le psychotraumatisme, soumet en effet la personne, de par le caractère inhabituel et ou extraordinaire de l’évènement qui en est la cause à faire un deuil inattendu de certains absolus, et à devoir admettre la relativité de toute chose et de soi. L’évènement traumatique renvoie en effet à la finitude, à l’inconstance, à l’immaîtrisable, à l’incommensurable, à la mort. C’est à dire à ce qui ne peut être représenté. Comme disait l’écrivain François de La Rochefoucauld, « Ni le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face », or voilà ce que précisément l’évènement traumatique est venu faire, sans aucune préparation pour la personne qui le subit.
Le psycho-traumatisme est d’une certaine façon la difficulté de pouvoir réaliser ce deuil pourtant nécessaire de ses absolus et de ses idéaux.
Psychotraumatismes et attribution causale
L’attribution causale est un processus psychologique par lequel les gens portent un jugement sur autrui et l’environnement dans lequel elles évoluent et en déduisent les causes des comportements et des évènements.
Ce processus est fortement sollicité lors d’un traumatisme psychologique. Chacun de façon singulière y mobilisera ses valeurs, ses construits, ou ses schémas pour répondre à cette irruption de l’irreprésentable dans sa vie. Selon les cas ou bien les gens auront tendance à reporter la cause de l’évènement sur des causes internes ( traits de caractères, dispositions…) ou bien sur des causes externes (situations, environnement). Pour de multiple raison qui tiennent en partie à un biais cognitif que l’on appel « croyance en un monde juste », les personnes impliquées dans un évènement inhabituel et violent auront tendance à chercher une cause humaine (quand elle n’est pas clairement établie…), plutôt que d’accepter une cause environnementale dénuée d’une intention coupable.
Le problème c’est que lorsque cette recherche d’une responsabilité humaine n’est pas possible, pas découvrable ( cas d’une catastrophe météo ou tellurique…) la tendance sera celle de s’accuser soi-même et de ressentir une culpabilité qui n’a, le plus souvent, pas lieue d’être (avoir été là au mauvais endroit, au mauvais moment…). De même, lorsqu’il y a eu un agresseur connu (viol, agression physique…), la difficulté voir l’impossibilité de comprendre ce qui a motivé l’agresseur, peut également se retourner contre la victime qui reporte sur elle une part de la responsabilité de l’acte, ce que l’on appel identification à l’agresseur.
Le besoin de trouver du sens aux évènements peut conduire à ce retournement contre soi, pour maintenir une consistance sémantique et symbolique. L’être humain peut, pour préserver ses croyances, ses valeurs, son besoin de sens, agir contre lui-même, ou maintenir une attitude ou des croyances qui aillent contre ses intérêts et son bien-être.
Un autre biais courant, est celui de la généralisation. Ce qui s’est produit une fois, est dés lors considéré comme pouvant se reproduire habituellement, quand bien même la probabilité que cet évènement se reproduise et y implique la personne est infime et très peu probable. Ici l’évènement est vécu comme pouvant se reproduire de façon imminente et comme habituel. Comme s’il avait envahi l’univers mental de la personne et s’était glissé dans la catégorie des évènements habituels, tout en conservant son caractère extra-ordinaire. La représentation de la cause est comme déformée par son intensité. C’est tellement fort, que c’est comme si ça c’était représenté mille fois et s’était élevé au rang des choses habituelles et satistiquement probables, quand bien même la personne sait que ce n’est pas le cas.
C’est pourquoi dés qu’un élément de contexte ou quelques uns, pour partie analogue à celui de l’évènement croisent à nouveau le chemin de la personne qui l’a vécu, celle-ci va spontanément s’attendre à ce qu’il se reproduise. Il y a dès lors une généralisation de l’évènement et une forme de conditionnement opérant.
Psychotraumatisme et deuil
Tous les deuils ne sont pas nécessairement psycho-traumatiques, même si tous les deuils constituent un trauma. L’évènement traumatique renvoie en effet à une perte, d’une chose, d’une personne, d’une fonction, d’un statut social, d’une capacité… C’est l’intensité du trauma et la capacité de la personne à l’accepter qui fait la part des choses entre le deuil et le psycho-traumatisme.
Ce qui distingue l’un de l’autre, c’est que le deuil est un processus normal, bien identifié par la personne, qui accepte la réalité de la perte. En revanche un trouble psycho-traumatique se pose comme un obstacle à l’accomplissement du processus du deuil : les conduites d’évitements, les reviviscences, l’anxiété, maintiennent la personne dans l’orbite de l’évènement traumatique et l’empêche d’y donner du sens et de s’en détacher… Quelque chose est ainsi maintenu, qui est essentielle pour la personne au prix d’une grande souffrance.
Le processus de deuil est un processus d’acceptation, d’une perte qui ne peut vraiment bien s’accomplir que dans l’objectif d’un gain en retour. Pour supporter cette perte, il faut qu’en retour quelque chose soit gagné en contre partie. Tant que la contre-partie de la perte n’est pas identifiée le processus d’acceptation ne peut pas se dérouler.
Il faut noter que le processus du deuil loin d’être un processus d’oubli de l’évènement ou de la perte est au contraire un processus où le souvenir va pouvoir être possible sans causer de trouble. La personne pourra y revenir, sans trembler, sans s’effondrer, comme un moment détaché d’elle-même. Elle pourra alors porter un regard sur elle dénué de jugement, plus distancié, plus empathique. Elle pourra alors se pardonner, accepter sa fragilité, sa faillibilité et tirer de cette compréhension d’elle-même plus de force encore pour réaliser ce qui lui tient à cœur et donc entrer dans un processus de résilience psychologique : croire à nouveau en elle, dans sa vie, dans le monde et dans les autres.
Les 5 phases du deuil
Ce processus de deuil à été décrit par la psychiatre Elisabeth Kübler Ross et son équipe. Le processus du deuil, d’après ces observations se déroule en 5 phases.
Phase 1 : Sidération : La personne ne comprend pas ce qui lui arrive, elle ne le réalise pas, elle est sidérée, les émotions et les pensées se mélangent sans qu’elle puisse adopter la bonne conduite pour réagir. Cela aboutit à son immobilisation.
Phase 2 : Déni : La personne nie ce qui lui arrive, les évènements et les faits. Elle occulte tout. Elle essaie de reprendre sa vie comme avant. C’est comme si rien n’avait eu lieu. Les souvenirs liés à l’évènement peuvent rester totalement occultés.
Phase 3 : Colère : En prenant conscience de ce qui a lieu, la personne se met en colère. Elle se mobilise contre une plusieurs cause supposé. C’est le moment où elle porte plainte, l’exprime, tourne sa vindict contre ce qu’elle croit être la cause de son malheur. Elle s’investit dans l’action pour essayer de réparer ce qui l’a blessée. Cette colère est le plus souvent saine car elle pousse la personne à agir et à réparer les dommages subis. C’est le moment où se pose la question des contre-parties, et des compensations. Mais elle peut aussi être plus préjudiciable car cela peut l’amener à des projet de vengeance ou a attenter à ses jours si elle retourne sa culpabilité contre-elle.
Phase 4 : Dépression : Lorsque la personne réalise que malgré ses actions, malgré l’identification et la désignation de la cause ou de l’auteur de ses souffrances, malgré tout ce qu’elle a pu faire pour réparer les choses, ce qu’elle a perdu ne reviendra plus, alors elle peut laisser place à la tristesse. La perte est alors pleinement réalisée, conscientisée et intégrée. La personne vit cette perte et accepte les émotions qui y sont liés. Cette phase dépressive peut être plus ou moins intense et comporter plus moins les symptômes d’une dépression.
Phase 5 : L’acceptation : À l’issue de cette dépression la personne se trouve libérée du poids de cette perte. Elle l’accepte. Elle n’oublie ni la douleur, ni la souffrance, ni la perte. Le souvenir peut être récupéré sans causer de peine excessive.
Deuil et Résilience
Ces 5 phases, peuvent également se recouper avec le mécanisme qu’on désigne mécanisme de résilience. La résilience participe pleinement du processus de deuil. On considère la résilience comme la capacité à résister à des expériences traumatisantes ou stressante, et la possibilité de transformer de telles expériences pour en faire un nouveau départ.
Le psychiatre Boris Cyrulnik a lui-même parlé de son expérience de la résilience. Ayant perdu ses parents très jeune dans les circonstances tragiques de la seconde guerre mondiale, il retrouva le gout de vivre en s’attachant à l’institutrice qui l’avait recueilli. Cette expérience l’a fortement marqué pour devenir plus tard psychiatre.
Résilier, c’est fermer une page pour en ouvrir une nouvelle. Cette opération assez complexe relève d’une transaction qui n’est possible que dans la mesure où l’on trouve dans son environnement, une personne empathique, qui reconnait à la fois notre souffrance et notre détresse et en même temps qui reconnait en nous l’humain que nous sommes et ses capacités. Pour que ça marche, il faut qu’il y ai identification réciproque. On s’identifie à celui qui nous tend la main, en même temps que celui qui nous tend sa main s’identifie à nous comme une part de lui-même. Mais cette identification va au de là. Cet autre ne fait pas seulement que nous reconnaître, il nous considère positivement de façon inconditionnelle, il nous renvoie à l’universelle plénitude de notre humanité profonde. Il se pose comme un autre nous-même positif, qui nous donne envie d’être meilleur et d’y croire. C’est une alchimie complexe dont seule la vie a le secret. Mais ce n’est qu’à cette condition qu’on peut réaliser et aboutir son processus de deuil. Les psychanalystes appellent traditionnellement cette relation, le transfert.
Cette personne que l’on rencontre et qui nous aide inconditionnellement et qu’on appel tuteur de résilience fait parti de ces contre-partie nécessaire, du moins en est elle le vecteur, pour accepter la perte et pouvoir la dépasser. L’autre est une ressource, si ce n’est la ressource. C’est grâce à lui que l’on va pouvoir rebondir. Pour sortir d’une difficulté, il faut en effet une énergie supplémentaire que seul l’autre peut vous apporter. On peut certes avoir de grandes capacités de résistances, celles-ci demeurent toujours relatives à ce que la personne peut supporter. Il n’existe pas de résistance infinie, il arrive toujours un moment où l’on trouve sa limite. Le psycho-traumatisme renvoie à la limite
Don, contre-don et par-don
La notion de don, contre-don est un concept qui a été étudié par l’anthropologue Marcel Mauss auprès des peuples premiers. Le schème du don et son corollaire le contre-don est universel. Il repose chez tous les groupes dans l’obligation de donner qui suppose l’obligation de rendre. Cela construit une chaîne a-priori infinie de dettes et d’échanges qui renouvelle infiniment la concrétisation du lien social. Cela organise tout aussi bien les échanges entre les humains, qu’entre les hommes et leur relation à l’environnement et aux choses.
Dans le cas d’un psycho-traumatisme cette structure est impliquée inconsciemment. L’évènement traumatique toujours lié à une perte suppose une contre-partie, pour pouvoir se symboliser. Tant qu’un contre-don n’est pas trouvé, pour compenser la perte, le travail de mise en sens de l’évènement traumatique demeure difficile, complexe, voire impossible.
Le notion du don et du contre-don amène également celui d’esprit des choses. Pour beaucoup de Sociétés Premières les choses demeuraient le siège d’un « esprit » pouvant donner ou reprendre et par conséquent pour que la chose ne reprenne pas arbitrairement ce qu’elle a donné cela suppose donc un contre-don, constituant l’échange. L’échange devenant alors signe de paix. Cela se formalise chez les peuples polynésiens par la croyance en l’esprit du Hau. Pour eux toute les choses ayant un esprit, les dons qu’elles font doivent être rendus dans une logique circulaire.
Pour eux toute chose revient à son point de départ, par un moyen ou par un autre.
Par exemple si je prend un bâton dans la foret c’est l’arbre ou la foret qui le donne ce bâton, alors il me faut le rendre d’une façon ou d’une autre en le remplaçant par une offrande par exemple.
Ensuite comme je me dois de donner, si je sculpte ce bâton en boomerang, je ne pourrais le garder pour moi et devrait donc l’offrir à un tiers qui a son tour l’offrira à un tiers (ou un autre objet équivalent) et ainsi de suite de telle sorte qu’à la fin quelque chose reviendra, sous une forme ou une autre, en lieu et place du bâton qui a été cueilli dans la foret. Une telle conception suppose une intégration profonde de l’homme dans la nature qui implique pour lui qu’elle est pleinement signifiante et même toujours signifiante. Dans le principe du Hau, l’homme n’est jamais un être distinct de la nature.
Le don et le contre-don, via la notion d’esprit des choses s’applique à l’offense. Or l’évènement traumatique est bien une offense.
C’est le don d’une souffrance, par la chose. Implicitement, selon le principe du Hau, cela signifie que la chose se paie en remboursement d’une dette non-honorée. La vengeance devient donc ce remboursement en compensation de ce qui a été pris sans contre-partie. Parfois dans le cadre d’une catastrophe d’alpinisme on emploie par métaphore la « montagne les a gardé » pour signifier que des alpinistes ont succombé à un accident. Ici cela suppose d’attribuer un esprit, aux choses, ici la montagne et de la charger d’une intention. Cela suppose que c’est en compensation de quelque chose que la montagne a « pris » des personnes et que donc les hommes, qui sont les hôtes de la montagne se sont mal comporter en amont avec elle.
Ces jeux d’échanges, de compensations, de transactions, de dons et de contre-dons, donc, ont pleinement cours dans le cadre du psycho-traumatisme. Le psycho-traumatisme est la manifestation d’une transaction qui ne parvient pas à se réaliser. La contre-partie n’est pas toujours facile a découvrir. C’est certain. Et le tiers, le tuteur de résilience, qui permet la découverte de cette contre-partie n’est lui non-plus pas simple à découvrir. Néanmoins c’est la seule condition pour que l’échange, la transaction et par conséquent la mise en sens puisse avoir lieu et avec lui le pardon.
Le pardon lui advient de surcroit, avec la compensation, la contre-partie. Le pardon opère une rupture dans le cycle don/contre-don. La dette cesse alors, elle est remise, et paradoxalement le cycle du don peut reprendre sur des bases saines. Le pardon signifie le détachement vis à vis de l’offense, le lâcher prise. Cela ne signifie pas que l’évènement est oublié mais qu’il ne cause plus, pour la personne, de souffrance pour elle. Il y a un lâcher-prise. L’affaire est pour ainsi dire classée. On peut vivre avec et même en tirer toute les leçons qu’il faut pour plus tard.
Bien sur la découverte de la contre partie apaise la personne qui a été lésée, mais cela n’est ni automatique, ni immédiat. Les chemins pour aboutir à l’apaisement de la conscience vis à vis de l’évènement et de sa cause sont parfois tortueux. N’oublions pas qu’il s’agit d’une transaction psychique et que les enjeux, souvent loin d’être purement matériels (même s’ils peuvent être imbriqués dans la problématique psychique…), ici touche à des valeurs profondément ancrée pour la personne.
Surmonter son deuil, son traumatisme
Un suivi auprès d’un psychologue s’avère utile et parfois nécessaire pour surmonter son deuil, son psychotraumatisme. Généralement le fait de parler, l’écoute active du psychologue, permet au patient d’élaborer des liens qui vont lui permettre de reconstruire du sens et d’intégrer peu à peu l’évènement dans son esprit. Un travail sur la gestion du stress et de l’anxiété peut aider également à dépasser la souffrance psychique.
Un travail sur les rêves et sur la créativité peuvent enfin permettre à la personne d’utiliser cet élément biographique pour le transformer en quelque chose de positif. Cela peut être un projet de vie, la défense d’une cause, le début d’une nouvelle histoire d’amour, toute sorte de chose qui vont permettre de changer l’évènement négatif en un projet qui va pouvoir remettre en valeur la personne. Cela permettra de découvrir de nouvelles solutions au problème, de restaurer son estime de soi et d’évoluer plus librement.